
La marque horlogère française Yema annonce la fin de sa production Swiss Made. Une décision inattendue qui interroge sur les véritables raisons et enjeux stratégiques derrière ce changement de cap.
Plébiscitée pour son savoir-faire tricolore depuis plus de 75 ans, Yema revient à ses racines et abandonne son incursion helvétique… au grand étonnement de certains amateurs de montres.
Un bref retour sur l’incursion suisse de Yema
Yema, maison emblématique née à Besançon en 1948, a toujours incarné l’excellence horlogère à la française. Pourtant, en début d’année 2025, elle a surpris en lançant une gamme de modèles accessibles estampillés Swiss Made, assemblés à Bienne, au cœur de la Suisse horlogère.
Ce choix pouvait sembler logique : ajouter le label Swiss Made, réputé mondialement, renforçait la crédibilité de la marque à l’international. Il s’agissait notamment de séduire une clientèle attachée à cette dénomination synonyme de précision et de fiabilité extrêmes.
Mais ce virage n’aura été qu’un épisode bref. Moins d’un an après, Yema fait volte-face et annonce la fin de cette expérimentation helvétique.
Une stratégie qui re-questionne le positionnement de la marque entre tradition nationale et ouverture internationale.
La collection concernée incluait plusieurs références Superman, notamment :
- Des modèles utilisant des mouvements suisses Sellita
- Une finition soignée et des caractéristiques techniques de haute volée
- Une conception toujours fidèle à l’ADN stylistique de la marque
Le Swiss Made abandonné pour un « Made in France » affirmé
Ce revirement stratégique interpelle. Pourquoi stopper une ligne Swiss Made alors qu’elle semblait rencontrer son public ?
Yema répond par une volonté claire : recentrer sa production sur un véritable patrimoine français, et affirmer son autonomie industrielle.
La marque mise désormais pleinement sur son usine de Morteau et son YEMA2000, un mouvement manufacture conçu en interne. L’objectif est d’augmenter le taux d’intégration locale et de répondre à une exigence croissante de traçabilité et de souveraineté technique.
Dans un contexte où de nombreux horlogers optent pour des mouvements suisses pré-assemblés, ce choix audacieux démarque Yema d’acteurs plus dépendants de la sous-traitance étrangère.
Ce positionnement répond aussi à une tendance forte : la valorisation du local.
Comme dans d'autres secteurs (gastronomie, textile ou cosmétique), les consommateurs d'aujourd'hui valorisent de plus en plus :
- Une origine transparente
- Une cohérence entre discours et production
- Des savoir-faire enracinés territorialement
Des implications commerciales et d’image fortes
Ce changement de cap pourrait toutefois avoir des conséquences commerciales significatives. En renonçant à la mention « Swiss Made », Yema se prive d’un argument convaincant à l’export, notamment vers l’Asie, le Moyen-Orient ou l’Amérique du Nord, où ce label reste une référence absolue.
Mais la marque parie sur un autre levier : la fierté nationale et la montée de l’image du « Made in France » de qualité.
Yema compte sur sa notoriété historique, notamment auprès des amateurs de plongée et du style néo-vintage, pour compenser cette perte d’attraction helvétique.
Sur son site officiel, Yema met désormais en avant son engagement pour l'industrie horlogère française, avec la promotion de ses collections emblématiques comme la Superman, la Navygraf ou la Rallygraf.
Cette déclaration d’indépendance s’inscrit dans une dynamique plus large, celle de la réindustrialisation française et du retour à des productions plus locales, plus transparentes, mieux maîtrisées.
Quelle réception de la part des passionnés et collectionneurs ?
La communauté horlogère française semble partagée. Certains saluent ce retour aux origines, rejoignant une volonté croissante de soutenir l’artisanat local.
D'autres regrettent la disparition d’une alternative Swiss Made abordable qui offrait un bon compromis entre esthétique française et mécanique suisse éprouvée.
Ce repositionnement pourrait revaloriser certaines pièces Swiss Made déjà sorties par Yema, les rendant plus recherchées sur le marché secondaire.
Il ne serait pas étonnant de voir ces modèles gagner en rareté et en intérêt, à l’image des séries limitées ou des éditions éphémères.
En définitive, cette décision audacieuse illustre une mutation plus générale dans le monde de l’horlogerie indépendante : celle d’un retour aux racines, appuyé sur une quête d’identité, d’authenticité et de savoir-faire.
Le public francophone, de plus en plus sensible à ces valeurs, pourrait bien suivre Yema dans cette nouvelle orientation stratégique.