En 2024, les exportations horlogères suisses ont chuté de 3,4 % selon la Fédération de l’industrie horlogère.
Après des années de croissance portée par la spéculation, certaines marques autrefois adulées subissent aujourd’hui une véritable dégringolade.
Une crise horlogère alimentée par la fin du boom spéculatif
Après le pic de la pandémie, les ventes de montres ont explosé, tirées par la demande asiatique et la spéculation sur le marché secondaire.
Mais cette bulle s’est progressivement effondrée. Chrono24, l’une des plus grandes plateformes de revente, a licencié près d’un quart de ses effectifs début 2025, signe d’un retournement brutal.
Les prix des icônes comme Rolex ou Patek Philippe ont reculé de 20 à 30 % sur le marché gris depuis 2022, entraînant avec eux d’autres marques moins prestigieuses.
La surproduction de certaines maisons a aggravé le problème : trop de montres circulent, et la demande réelle ne suit plus.
Pour des marques intermédiaires, qui avaient surfé sur cet engouement spéculatif sans disposer d’une base client fidèle, la chute est encore plus violente. Elles n’arrivent pas à écouler leurs stocks et voient leurs modèles bradés sur le marché.
Ce cycle rappelle celui de la crise du quartz dans les années 1970-80, quand l’arrivée des montres électroniques japonaises avait mis en difficulté les manufactures traditionnelles. Aujourd’hui, ce ne sont pas les technologies qui menacent, mais la saturation et l’effondrement de la demande.
Quelles marques horlogères sont les plus fragilisées en 2025 ?
Parmi les grands noms, Jaeger-LeCoultre a vu sa production atteindre près de 100 000 montres en 2023. Mais l’étude annuelle Morgan Stanley la reléguait déjà à la 14ᵉ place mondiale, confirmant son affaiblissement face aux leaders Rolex, Cartier et Omega.
D’autres maisons autrefois synonymes de prestige, comme Zenith ou Girard-Perregaux, peinent à trouver leur place. Leur positionnement entre haut de gamme et ultra-luxe les rend particulièrement vulnérables à la baisse de la demande.
Certaines marques plus accessibles, qui avaient conquis une clientèle jeune via des designs modernes ou des prix agressifs, connaissent également une descente aux enfers. La multiplication d’offres similaires a banalisé leur image.
Beaucoup peinent à se différencier et à justifier leur prix, alors que les consommateurs privilégient désormais soit l’authenticité d’une manufacture historique, soit le design minimaliste des micro-marques.
Les marchés émergents, notamment en Chine, n’offrent plus le relais espéré. Le ralentissement économique local a entraîné une chute des achats de montres suisses, ce qui prive les marques fragiles d’un débouché vital.
🧠 À retenir - La crise horlogère actuelle touche autant les maisons historiques comme Jaeger-LeCoultre que les marques intermédiaires, fragilisées par la fin de la spéculation et la saturation du marché.
CIGA Design et l’épreuve du marché mondial
La marque chinoise CIGA Design illustre parfaitement cette situation. Récompensée par plusieurs prix internationaux de design, elle s’était imposée comme l’une des rares maisons horlogères de Chine à séduire en dehors de son marché domestique.
Ses montres squelettes au style audacieux avaient trouvé un public amateur d’originalité.
Mais la crise actuelle rebat les cartes. Face à un ralentissement brutal de la demande asiatique, CIGA Design doit affronter la dure réalité : son succès reposait davantage sur une mode passagère que sur une fidélité durable.
Ses modèles, vendus entre 300 et 1 000 euros, se retrouvent désormais en concurrence directe avec des micro-marques occidentales au storytelling plus fort.
La reconnaissance médiatique ne suffit plus. Les amateurs qui avaient acheté une CIGA Design comme alternative abordable à une montre suisse hésitent aujourd’hui à investir dans une marque dont la valeur de revente s’effondre.
Dans un contexte où les acheteurs surveillent davantage la durabilité et le prestige, CIGA Design peine à rassurer.
Si l’entreprise veut survivre, elle devra sans doute revoir son modèle : moins de séries limitées, plus de constance dans ses gammes, et surtout une stratégie de marque solide capable de dépasser le simple effet de mode.
Quelles perspectives pour les montres dans un marché saturé ?
L’industrie horlogère reste dominée par un paradoxe. D’un côté, les modèles iconiques très haut de gamme continuent de trouver preneur, même si leurs prix ont corrigé. De l’autre, les segments intermédiaires et accessibles sont en grande difficulté.
Les consommateurs privilégient désormais soit les valeurs sûres, perçues comme des investissements, soit les montres abordables à forte identité de design. Les marques coincées entre ces deux pôles risquent de disparaître si elles ne réinventent pas leur offre.
Les pistes de survie passent par :
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Une réduction de la production pour restaurer la rareté.
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Un storytelling plus solide, qui valorise l’histoire et l’authenticité.
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Une adaptation aux nouvelles habitudes de consommation, avec une présence digitale renforcée.
Le secteur pourrait connaître une concentration accrue, avec des rachats et des fusions, comme cela avait déjà été le cas après la crise du quartz. Mais les marques qui s’adapteront vite pourront tirer leur épingle du jeu.
En définitive, la crise actuelle agit comme un révélateur. Elle distingue les maisons capables de traverser les cycles grâce à une identité forte, et celles qui, portées uniquement par la spéculation ou la mode, risquent de s’effondrer.
Pour CIGA Design comme pour bien d’autres, l’heure est venue de prouver leur légitimité.