
En seulement trois ans, l’industrie horlogère britannique a connu une croissance spectaculaire. Un bond de 65 % qui tranche avec la morosité économique générale.
Ce renouveau inattendu pourrait bien inspirer les acteurs français et européens du secteur à repenser leur modèle. Petit tour d’horizon d’un phénomène qui bouscule les aiguilles du temps.
Une croissance fulgurante malgré une économie sous tension
Le second rapport Bellwether, publié par l’Alliance britannique des horlogers, met en lumière une explosion du chiffre d’affaires dans l’industrie horlogère du Royaume-Uni : passé de 125 millions de livres sterling en 2021 à 206 millions en 2024, soit une croissance de 65 %. En comparaison, l’économie britannique n’a progressé que de 3 % sur cette période.
À y regarder de plus près, cette performance ne tient pas du miracle mais d’une stratégie claire : sortir du discours nostalgique qui entourait souvent les montres "Made in Britain", pour adopter un véritable modèle d’affaires. Selon Mike France, PDG de la maison Christopher Ward, ce virage a permis d’attirer un public plus large, de démocratiser cet art sans renier l’excellence artisanale.
Cette dynamique évoque, dans une certaine mesure, la montée en puissance de certaines micro-marques françaises, telles que Yema ou Baltic, qui jouent elles aussi la carte de l’authenticité et du savoir-faire.
Un écosystème entrepreneurial en pleine ébullition
75 % des entreprises horlogères interrogées affirment avoir enregistré une hausse de leur chiffre d’affaires depuis 2021. Et ce n’est pas une simple progression douce : plus de 40 % affichent une croissance à deux chiffres, et certaines, plus rares, rapportent une hausse de 300 à 400 % — voire, pour des cas exceptionnels, une multiplication par 24 de leur chiffre d’affaires.
Ce boom est largement alimenté par une nouvelle génération de marques. Sur les 140 entreprises recensées par le rapport, 67 % ont vu le jour après 2015.
Ces nouveaux venus insufflent un vent de fraîcheur sur le secteur, alliant design contemporain, production en petites séries et storytelling maîtrisé.
Ce tissu entrepreneurial a aussi un impact réel sur l’emploi local, avec près de 1 600 personnes aujourd’hui employées dans l’industrie horlogère britannique. Une démonstration que les montres peuvent encore, à l'époque du numérique, créer des emplois bien réels.
Une gestion des stocks exemplaire et orientée client
Autre révélateur de la bonne santé du secteur : la capacité des marques à vendre ce qu’elles produisent — et même, à écouler quasiment tout leur stock. Le rapport indique que 60 % des entreprises atteignent un taux de "sell-through" de 98 %. En d’autres termes, presque chaque montre fabriquée trouve preneur.
Comment expliquer une telle efficacité ? Pour beaucoup, la réponse tient dans le modèle de production : des éditions limitées, parfois en précommande, et des objets hautement désirables pour une clientèle avertie.
Même les sociétés qui déclarent des invendus se situent dans une zone de confort : avec 20 % de stock excédentaire au maximum, cela devient plus un outil de réserve stratégique qu’un handicap.
Ce niveau de justesse évoque des pratiques inspirées de l'horlogerie indépendante suisse ou encore de certaines maisons françaises qui misent sur l’exclusivité plutôt que les volumes.
Horlogerie vs horlogerie murale : deux pratiques, deux visions
Le rapport distingue clairement la pratique de la montre de celle de l’horloge. Dans le domaine de l’horlogerie murale, 86,4 % des entreprises britanniques observent une fabrication intégrée.
En revanche, dans la fabrication de montres, seuls 35 % des acteurs privilégient l’intégration verticale.
Cela signifie que si l’assemblage, les tests qualité, le design et la distribution se déroulent majoritairement au Royaume-Uni, une large part des composants — en particulier les mouvements — reste importée. Mais cela n’est pas propre au Royaume-Uni : c’est un défi commun à nombre de marques européennes indépendantes.
Cela dit, cette transparence pose les bases d'une possible réinternalisation à terme. Si les volumes de production et la demande continuent de croître, le Royaume-Uni pourrait bien se doter à nouveau d’une capacité industrielle horlogère plus complète.
En France, cette problématique reste également centrale dans les discussions autour des labels tels que "Made in France" ou "Origine France Garantie".
📝 Cet article est inspiré de la publication originale : 4 Key Take Aways On The British Watch Industry from Bellwether II Report