
Alors qu’on parle souvent de la Suisse comme épicentre mondial de l’horlogerie, le Royaume-Uni trace son propre chemin avec une croissance inédite et prometteuse.
Le dernier rapport Bellwether II, publié par l’Alliance britannique des horlogers, révèle une montée en puissance qui pourrait bien redistribuer les cartes du secteur.
Derrière ce renouveau, des dizaines de marques, une identité retrouvée, et des chiffres qui donnent le vertige.
Plongée dans les coulisses d’un écosystème en plein essor.
Une envolée spectaculaire du chiffre d'affaires
Entre 2021 et 2024, l'industrie horlogère britannique a vu son chiffre d’affaires passer de 125 millions à 206 millions de livres sterling.
Soit une croissance explosive de 65 % — à comparer avec un maigre 3 % de croissance du PIB britannique sur la même période.
Ce bond colossal illustre une tendance de fond : les garde-temps « made in Britain » ne se contentent plus d'un rôle nostalgique ou patrimonial.
Ils prennent désormais leur place dans le marché global avec une crédibilité économique affirmée.
Selon Mike France, PDG de Christopher Ward et membre fondateur de l’Alliance, ce virage marque la fin d’un discours uniquement passionnel autour du retour aux savoir-faire anciens.
Aujourd’hui, les marques britanniques adoptent une stratégie entrepreneuriale moderne, accessible à un public plus large.
L’horlogerie britannique n’est plus seulement une histoire de tradition, mais aussi d’innovation et de conquête de marchés internationaux, particulièrement en Europe et en Amérique du Nord.
Un écosystème riche de jeunes marques
Le dynamisme du secteur s’explique en partie par la multiplication des marques jeunes : sur les 140 entreprises actives recensées, environ 67 % ont vu le jour après 2015.
Ce tissu entrepreneurial nourrit une croissance organique vivace.
Parmi les entreprises interrogées, 75 % signalent une progression de leur chiffre d’affaires sur trois ans, et 42 % affichent même une croissance à deux chiffres.
Certains acteurs atteignent des envolées de 300 %, voire jusqu’à 2 400 % !
Une telle effervescence évoque celle de la Nouvelle-Vague des micro-marques que connaît aussi le marché français depuis quelques années, avec des noms comme Baltic, Charlie Paris ou LIP.
Mais ici, le phénomène prend une ampleur inattendue, avec près de 1 600 emplois générés dans le secteur au Royaume-Uni.
Cette multiplication de labels montre une montée en maturité du marché et une réelle appétence des consommateurs pour des pièces originales, locales et bien réalisées.
Une gestion des stocks optimisée pour le modèle artisanal
Un autre indicateur clé de la solidité du secteur : 60 % des entreprises britanniques affichent un taux d’écoulement des stocks de 98 %.
En clair, elles vendent quasiment toute leur production — un indicateur d’une gestion fine entre offre et demande.
Cette performance tient aussi au modèle de production : séries limitées, précommandes, modèles personnalisables… à l’image d’un fonctionnement quasi-artisanal.
Même les entreprises déclarant des surplus de 20 % de stock restent dans des marges acceptables, car les quantités concernées restent faibles.
Cette stratégie de rareté bien exploitée rappelle celle des maisons indépendantes suisses comme Ming ou Furlan Marri, qui misent elles aussi sur une production définie en flux tendu.
L’absence de surproduction leur évite les décotes sur le marché secondaire et rassure les acheteurs, souvent sensibles à la conservation de valeur.
Une ambition industrielle encore limitée mais en progression
L’étude Bellwether II dissocie clairement deux disciplines : la fabrication horlogère et l’horlogerie monumentale.
Dans le domaine des horloges (clocks), 86,4 % des entreprises pratiquent l’intégration verticale et travaillent en interne.
C’est beaucoup moins le cas pour les montres : seules 35 % des sociétés horlogères déclarent fabriquer leurs composants en interne.
La majorité se concentre sur la conception, le prototypage, les essais qualité et la logistique, gardant ainsi la maîtrise des étapes clés.
C’est là tout l’enjeu des années à venir pour l'industrie horlogère britannique : réintégrer peu à peu la production de composants, notamment les mouvements mécaniques, pour asseoir leur indépendance et renforcer leur légitimité face aux géants suisses et japonais.
Des collaborations européennes pourraient également émerger, à l’image de Calibre France ou des fournisseurs allemands comme Uhren-Werke-Dresden (UWD), pour relocaliser certaines étapes critiques de fabrication sans sacrifier la compétitivité.
📝 Cet article est inspiré de la publication originale : 4 Key Take Aways On The British Watch Industry from Bellwether II Report